« Partir » : le plus beau mot de la langue française. Vous savez que vous êtes prêt à l’employer. « Partons. » « Il faut partir. ». Vos bagages sont faits, et vous savez que le passé n’est qu’un amas confus posé derrière vous qu’il faut tenter d’oublier, puisque vous êtes en train de naître. Vous savez que ce qui se passe est très grave, et vous ne faites rien pour freiner. […] La case « départ » promet tellement. –Frederic Beigbeder L’amour dure trois ans

J’ai un cahier avec des listes d’endroits où je rêve d’aller et des petits check boxes à côté de chaque nom. Des spots de rêve là, pas juste la Chine en général, mais plutôt lesMaijishan Caves et le Zhangye Danxia Landform Geopark… mais ça, c’est parce que je regarde beaucoup trop de photos sur Tumblr.

Et puis, il y a les endroits qui ont des visages. Des villes au sujet desquelles tu ne connais trop rien, mais tu t’en fous parce que tu aimerais juste y aller pour UNE personne. Tu vois, moi, je rêve de Stockholm depuis l’Australie. Cette personne-là, tu serais prêt à faire tout en ton pouvoir dans le but de la rejoindre n’importe où, demain, si elle te le demandait. Depuis l’échange de vos trois premières phrases que tu sais que tu ferais le tour du monde avec… Pis ça, je sais que c’est déjà arrivé à tous mes amis voyageurs.

En plus, il y a la fameuse « Liste des Choses que tu Rêves de Faire Avant de Mourir ». Le fait est qu’il y a bien des choses sur cette chère liste qui sont seulement réalisables hors du Québec. Les jours avancent, ta mort approche (lentement, mais sûrement), et tu te mets à te dire qu’il serait temps d’aller cocher quelques trucs comme « Aller au Carnaval de Rio », « Monter le Kilimanjaro » ou « Voir une compétition de Krump à L.A ». You better start moving, parce qu’« Être à Montréal quand les Canadiens gagneront la 25ème coupe Stanley » ça ne dépend pas vraiment de toi et tu n’es pas certain que ça arrivera un jour anyway, mais il est sur la liste au cas où.

Et puis, comme l’a si bien dit Beigbeder, la case « départ » promet tellement.

Les pessimistes voient sûrement les voyageurs récidivistes comme des fuyards. Fuir « la vraie vie », fuir ce qui nous déplaît ici, fuir les tracas du quotidien, fuir le vide ou fuir la routine.

L’optimiste lui voit plutôt cela comme une quête.

La quête perpétuelle du changement, de nouvelles saveurs, de nouvelles idées, d’une nouvelle vision, d’une rencontre incroyable. La quête du je-ne-sais-quoi qui manque à son quotidien ; comme quand il manque un certain ingrédient dans une recette, mais tu n’arrives pas à dire lequel exactement. T’as beau regarder dans ton armoire à épices, essayer différentes choses et goûter à nouveau, mais non, il manquera toujours une saveur mystérieuse… un goût insatiable. C’est vraiment comme ça… pour moi en tout cas. J’ai d’ailleurs essayé de l’expliquer à ma mère quand je lui ai annoncé que j’avais décidé d’acheter un One-Way Ticket pour l’Indonésie — pas le choix puisque c’est sur ma bucket list – et qu’elle m’a demandé ce que je faisais de ma vie? J’ai essayé de lui dire qu’il manquait de quoi dans ma réalité présente, que j’avais – encore – l’envie insoutenable de partir, que j’étais due et que c’était la seule chose que je savais avec certitude. J’aurais dû lui faire l’analogie de la recette, elle aurait peut-être mieux compris…

Compris que suivre mes envies, aussi folles qu’elles soient, c’est ma manière de vivre, parce que le gut feeling ne ment pas.

Compris que la formule carriériste plutôt traditionnelle avec deux semaines de congés par année mais stabilité assurée, ça ne me tease pas pantoute.

Compris que ça ne m’inquiète pas du tout de ne pas savoir où je me vois dans 5 ou 10 ans.

Compris que notre génération a la chance d’avoir toutes les possibilités du monde, pis autant que parfois ce soit foutrement mélangeant d’avoir trop de choix, autant qu’autrefois — pas mal tout le temps — ça me rend complètement euphorique de penser que je pourrais être dive master en Australie ou prof de yoga à Bali. Seulement, je dois oser sortir de ma zone de confort. Pis, je ne me fais pas d’illusion; je sais très bien que même dans un endroit paradisiaque on peut se sentir vide et seul par moment…

Mais ce n’est pas grave parce que j’ai quand même des papillons dans le ventre quand je pense à toutes les destinations gribouillées dans mon petit cahier… pis qu’il n’y a pas grand-chose de légal qui me donne le même feeling.

Ça fait que, « Partons », « Il faut partir »…