Photos par Michael Warchild prisent en 35mm
J’ai voyagé dans plus de 25 pays différents dans les dernières années. J’ai eu la chance de vivre des expériences différentes et plus enrichissantes les unes que les autres. De me retrouver dans des endroits aussi choquants qu’aveuglants de beauté. Et malgré tous ces voyages, le Maroc reste de loin mon pays favori.
C’est en juin 2012 que j’ai eu la chance de passer un mois dans ce pays du nord de l’Afrique. Nous sommes donc débarquées à Tanger au nord du Maroc, après avoir pris le ferry depuis l’Espagne. Étant les seules blanches sur le bateau, je dois avouer que j’avais quelques appréhensions à ce moment. Un sentiment d’excitation m’habitait, mais aussi, disons-le, un peu de nervosité. Je savais que j’allais mettre les pieds dans un pays qui me marquerait à jamais. Un pays où tout est différent de chez moi. Mais jamais je ne me serais attendue à tomber autant en amour…
À notre arrivée, à ma première bouffée d’air sur le continent africain, j’ai su. J’ai su que ce que je m’apprêtais à vivre allait changer ma vie. Et je ne me trompais pas.
La nourriture. Des tajines au couscous, des pains marocains aux dattes, des olives aux cornes de gazelles. Citrons confits, smoothies aux avocats et thé à la menthe. J’ai mangé du mouton et ce fut une des meilleures choses que j’ai gouté dans ma vie. L’odeur des épices mélangées à celle des grillades n’est rien de moins qu’enivrante. Je n’ai jamais aussi bien mangé de toute ma vie. Chaque plat est un délice pour les yeux, le nez et les papilles gustatives. Et ce qui est le meilleur dans tout ca ; chaque repas est un événement. Une activité de groupe, de famille, une fête en soi. C’est une des choses que j’ai dis souvent là-bas ; on dirait que c’est Noel à tous les repas. Une ambiance chaleureuse et conviviale règne, impossible de manger sans avoir le sourire au visage.
La religion. Parce que oui, c’était ma première expérience dans un pays musulman. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je me considère athée. Mais les religions m’ont toujours intriguées et je lis beaucoup sur le sujet. J’ai démystifié mes interrogations. J’ai pris le temps d’écouter ce que les gens avaient à me raconter sur leurs convictions. J’ai ouvert mon esprit plus que jamais. Oui c’est spécial, l’appel à la prière qui résonne dans vos oreilles 5 fois par jour. On trouve ça spécial de voir tout le monde s’arrêter pour prier, de voir une bonne partie des gens se diriger vers la mosquée la plus près. D’être témoin des préparatifs pour le Ramadan. Puis on finit par comprendre. Par trouver ça beau. J’ai eu la chance de vivre avec 5 garçons de mon âge dans leur Ryad en face de la plage, dans le village de Tamraght. Mes guides dans le désert avaient également mon âge. J’ai eu droit de poser toutes les questions que je voulais. Et j’ai compris. Compris que la lumière qui veille sur nous est la même pour tout le monde. Ce qui importe, c’est de la laisser nous illuminer. Peu importe la façon dont on s’y prend.
Zerarda. Le minuscule village où j’ai habité pendant une semaine en début de voyage. Perdu au beau milieu des montagnes, cerné par les champs d’oliviers, les gens ici vivent une vie simple et vraie, où rien n’est plus important que la famille. Et où si tu es une invitée, tu fais aussi partie de la famille. Qu’elles étaient belles et pures, ces soirées passées dans le grand salon, entourée de toutes les femmes, à essayer de communiquer par des signes. Avec le temps, on finit par avoir l’impression de pouvoir communiquer par un simple regard. Jouer avec les enfants, recevoir la ‘’protection’’ d’un henna sur les mains par la grand-mère de la maison (qui semble d’ailleurs avoir 150 ans et qui pourtant fait à manger accroupie par terre à journée longue). Manger dans le même immense plat que 12 personnes et plus. Avec les mains. Sourire de sérénité. Que ce soit couchée au beau milieu d’un champ à écouter le vent qui caresse les fleurs d’opium, ou sur le toit de la maison à regarder les étoiles qui semblent palpables tellement elles sont claires, je me suis enfin sentie libre. J’ai enfin pu entendre le silence. Le vrai.
Marrakech. J’ai entretenu une relation amour-haine avec Marrakech. Il faut dire que je n’ai pas aidé ma situation en débarquant sur la place Jemaa El-Fna à 1h du matin. Petite blonde blanche aux yeux bleus, mon backpack sur le dos et probablement un regard un peu perdu et affolé, me demandant vraiment comment je vais faire pour trouver mon auberge à travers les labyrinthes de la médina. On parle d’une immense place ouverte, où charmeurs de serpents, cracheurs de feu, arracheurs de dents, guérisseurs, médiums et dresseurs de singe sont réunis. Cet endroit traditionnel aux portes de la vieille médina est très théâtrale et devient noir de monde à la tombée du jour. Et pour vous faire une idée rapide, disons que 9 personnes sur 10 est de sexe masculin. Je me suis fait tirer les bras. Tirer les cheveux. On est vraiment rentré dans ma bulle. Honnêtement, j’ai ca-po-té. Les ruines du café Argana (détruit par un attentat du groupe Al-Quaïda un an auparavant) me sautent aux yeux. Petits frissons parcourant ma colonne, je me sens légèrement (pour ne pas dire extrêmement) perdue. J’ai dormi sur un divan dur comme de la roche, à peine large pour dormir sur le coté, et ce, le visage dans les pieds de la personne qui dormait devant moi. Je me suis fait dévisager comme si j’étais une extra-terrestre. On a violé ma bulle d’intimité à répétition. On m’a suivit. Les jeunes hommes m’ont glissé à l’oreille (et quand je dis à l’oreille, on parle de presque sentir la chaleur de leur haleine sur mes lobes) des paroles que je vous épargne. Mais Marrakech m’a appris une leçon importante. Que derrière chaque chaos se trouve une des plus belles choses au monde ; la simplicité et l’authenticité. Il nous suffit d’ouvrir notre esprit pour s’en laisser envahir.
Le désert. Je ne m’attarderai pas sur le désert. Pour la simple et unique raison que cette expérience, je n’ai jamais réussi à la mettre en mots. J’écris toujours dans un cahier lorsque je voyage. Mais cette partie du cahier reste presque blanche. L’incapacité à décrire un endroit aussi spécial est une normalité, selon moi. 8h de route pour se rendre aux pieds des dunes. Les dernières heures avant l’arrivée, on a l’impression qu’on conduit vers l’infini. Vers le bout de la terre et qu’on finira par tomber dans le vide tellement le seul paysage autours de nous est le néant total. Puis, soudain, les dunes surgissent au loin. La couleur du sable est spéciale, indescriptible. On dirait qu’une aura flotte et enlace le désert. J’ai eu la chance de dormir à la belle étoile. Et surtout de faire l’expédition seule avec une copine et 2 guides. Tellement d’étoiles illuminaient le ciel que j’avais l’impression qu’il ne pourrait pas y en avoir plus, faut de place dans le ciel. Les dunes ont quelque chose de très spécial. Elles ont une âme. Et elles m’ont parlé. C’est couchée au beau milieu du désert du Sahara que mes yeux se sont ouverts. Et que jamais je ne me suis sentie autant au milieu de nul part que partout en même temps.
Le peuple. Chacune des personnes rencontrées sur mon passage au Maroc a changé ma vie à sa façon. J’ai eu la chance de vivre chez les gens. J’ai vécu le Maroc à son état pur. C’est difficile d’exprimer à quel point j’ai fais la rencontre d’âmes généreuses et dévouées. Peu importe la situation et l’endroit, il y avait toujours quelqu’un pour me venir en aide. Comme si quelque chose veillait sur moi et avait toujours le don de m’envoyer la bonne personne au bon moment. J’ai d’abord cru aux coïncidences. Puis j’ai compris. J’ai compris que c’était loin d’être une question de coïncidence. J’avais affaire à un peuple généreux et qui, loin de la réalité Nord-Américaine, ne pense pas à son propre nombril en premier, mais bien à celui des autres avant tout. Leçons par-dessus leçons, ce voyage a changé ma vie. A charmé mes sens et mon esprit.
Je conclurai ainsi ; partez. Lancez-vous. Voyager, c’est le plus beau cadeau que vous pouvez offrir à votre coeur.